Mai - Juni 2003

Dienstag, 26. Januar 2010

Body and Soul.


Par cette nuit étrange où le parfum de l’été gagne les derniers plis de ma mémoire je pense à toi. Qui oserait dire que le désir que j’ai éprouvé à ton égard est mort ? La douceur de ton visage me consolait des années de jeunesse englouties. En toi je renaissais à une vie inespérée.

J’ai perdu ton corps, même en rêve ; de cela je ne parle plus à personne. C’est comme si tu n’avais jamais existé. Quant à cette passante – dans ma tristesse j’osai la contempler –, qu’elle passe devant moi – mon âme se taira –, qu’elle étale ses beautés avec audace – ce sera en vain. Elle m’embrassera, peut-être; alors, fermant les yeux, je me souviendrai du goût de ta bouche.

Et qu’elle aille où je pense, la vérité !

Minor Swing.


Toute cette histoire n’est pas très compliquée : nous ne vivrons jamais ensemble. Comme deux vagues heurtées dans la tempête nous nous sommes croisés – et nous voilà repartis vers d’autres mers !

Pourtant, je garde le regret de toi ; vaille que vaille je tente de conserver en d’autres paysages les ombres de ce que nous fûmes. Que la lune m’emporte ou que les abîmes m’entraînent, je m’applique à la célébration de ton souvenir. C’est très simple.

C’est ainsi qu’on abat les falaises, tu comprends ? Il est si facile de parcourir le monde sans direction, et immortel… jusqu’à ce que tout cela s’annule, dans la rencontre de ton courant contradictoire. Me comprends-tu ?

Tears.


On posera en lisant ces poèmes que je suis un brave type sentimental : « eh oui, puisque tu parles de cœur, de vie, de sentiment, d’âme… » On analysera sans réserve ma frustration sexuelle : « il te manque simplement une nuit avec son équivalente. » C’est à regretter d’avoir jamais été.

Comme si la défaite n’arrachait que de l’orgueil au soldat vaincu ! S’il voit sa ville ravagée – les espoirs de son enfance qui s’évanouissent –, pourquoi ne reprendrait-il pas les armes, malgré les liens de son vainqueur, puis, brisant le destin, retournerait sa soif de vide et de mort contre lui ?

N’en veux pas à l’homme qui pleure. Epargne-moi ta pitié ou ton humour ; va-t-en ; tout dans ce monde me rappelle mes pertes les plus précieuses, les plus sordides.

Echoes of Spain.


Voici mon ambassade à la princesse morte. Je lui apporte quelques souvenirs de nous, le livre qu’elle m’avait recommandé et que je ne finirai pas, l’oreiller sur lequel sa tête a vibré de plaisir et a ployé sous les rêves. Ah ! Laisse-moi respirer encore une fois toutes ces choses.

Elle doit posséder de moi le même genre d’objets, qu’elle avait entremisés dans l’espoir que tout allait revivre, peut-être. C’est en tout cas ce que j’avais fait ! Aurions-nous été une dernière fois en communion ?

Tout est là. J’ai fait un paquet de pauvre mémoire, j’ai emprunté le chemin sur lequel nous nous embrassions sans pouvoir nous séparer. Il n’y a rien de plus à dire. J’ai accompli mon devoir envers l’esprit de la princesse morte, n’est-ce pas ?

Low cotton.


Réveil difficile. Nuit agitée – mais non telle que je l’aurais voulue. Si seulement je pouvais savoir ce que tu fais maintenant. Ou revivre un des matins, où, déjà éveillé, je pouvais contempler ton visage délivré. Ce n’était pas une exigence démesurée.

Après, je me glisse contre ton cœur ; tandis que les oiseaux chantent, tu murmures deux trois paroles réconfortantes. Tu dis : tous les matins de la vie. Je dis : toutes les nuits.

Et nous ne pouvons que trahir une fois de plus nos pauvres promesses ! Au moment-même, sans doute, un autre que moi, une main sur tes seins, une sur son cœur, te jure amoureusement : toutes les nuits, tous les matins. Je crois que tu lui souris sans ironie, fermement convaincue de ta passion amoureuse, non ?

All of me.


C’est une bien piètre victoire. Je me félicite d’avoir triomphé de toi, d’avoir su ruiner l’amour que je te portais. Puisque désormais je sais que tu m’aimes encore, me voilà assuré de ne pas t’avoir quittée pour rien – puisqu’au moins tu souffres de mon départ.

Tout recommence. Les hostilités sont closes entre nous. Je ne veux même plus entendre parler de toi – ni des souvenirs que péniblement nous partageâmes. Je suis épuisé de m’être acharné sur toi. Comme si tu en valais la peine !

C’est une mesquine affaire : et tous les objets que je t’avais laissés, que tu ne m’as pas rendus, pour les presser contre ton cœur sans doute – pauvre romanesque amie –, tu peux les garder ; je te les accorde en paiement de toutes ces nuits merveilleuses où je t’ai possédée.

Solitude.

Maintenant que la bataille est passée, la vie s’offre de nouveau pour l’homme en proie à la déchirure et à l’inquiétude. Il mesure la distance qui le sépare du point de non-retour et du bonheur. Quelques jours, quelques années.

Il se dit que ce qu’il a vécu depuis cet instant n’en valait vraiment pas la peine. Et puis, tout bien compté, qu’est-ce que l’avenir peut bien offrir de différent ? Sur les prochains jours ? Sur les prochaines années ?

Il tape du poing, il s’énervera encore un peu, oui, cela lui fera au moins un succédané de sentiment. Il hurlera le nom de celle qui a fui, et de tous ceux qui en ont profité pour partir. Il les maudira comme si tout avait été indépendant de lui. Pauvre imbécile solitaire !